Créer sa place de marché peut être tentant. Que ce soir pour élargir son offre, se diversifier ou faire comme un concurrent. D’autant que si vous possédez déjà un site e-commerce, ça semble simple : il suffit de rajouter d’autres sites e-commerce sur une même sujet et hop, vous avez une place de marché ! Mais est-ce vraiment aussi simple ?
Tout d’abord, qu’est-ce qu’une place de marché ?
Avant de créer sa place de marché, il est important de bien identifier ce qui différencie une marketplace des autres boutiques en ligne.
Modèle relationnel versus modèle transactionnel
Un site e-commerce classique est un modèle de commerce dit transactionnel : vous achetez / produisez des produits et vous les revendez à vos clients. Vous gagnez donc de l’argent en faisant une marge sur ces produits – attention d’ailleurs à bien la calculer et à différencier marge brute et marge nette.
Une place de marché, elle, met en relation des acheteurs et des vendeurs pour un produit donné. C’est un modèle dit relationnel. Une place de marché ne se rémunère pas sur la marge des produits mais sur une commission sur les ventes faites par les e-commerçants présents sur la marketplace.
Par exemple, si je veux acheter cet aspirateur Dyson sur Amazon, Amazon me propose 2 vendeurs avec des prix, des avis et des conditions de livraison différentes :
Pour information Amazon a fait évoluer sa marketplace en devenant également e-commerçants pour certains produits.
Alors quelle différence entre place de marché et comparateur de prix ?
En voyant cela, on pourrait se poser la question en effet ! Dans les 2 cas je peux chercher un produit sur la plateforme et celle-ci me retourne des vendeurs avec leurs offres (prix, frais et délai livraison, avis…).
Par exemple, pour le même produit, Google Shopping me propose plus de choix de vendeurs :
Alors au final, qu’est-ce qui change… ? Vous avez deviné ?
Cette différence est fondamentale pour bien appréhender les enjeux d’une place de marché versus un e-commerce plus traditionnel.
La différence c’est que dans une place de marché, le client achète sur la marketplace alors que dans le cas d’un comparateur de prix, le client est renvoyé chez le e-marchand.
En tant que e-commerçant, vaut-il mieux être sur une place de marché ou un comparateur de prix ?
Cette réalité implique une autre problématique pour les marchands: faut-il être privilégiés les comparateurs de prix, les places de marché ou les 2 ?!
Si vous vendez vos produits sur Amazon et qu’un client achète par ce biais, alors c’est le client d’Amazon, pas le vôtre. C’est Amazon qui va le relancer, qui va travailler la fidélisation, qui va le faire revenir pour qu’il achète d’autres produits chez lui – et pas chez vous.
Or la valeur d’une entreprise passe aussi par la valeur de sa base de données client.
Sur un comparateur de prix, le client est renvoyé chez vous, donc il devient VOTRE client. Vous pouvez ensuite lui envoyer des emails s’il est opt-in, lui demander de vous rejoindre sur vos réseaux sociaux, lui faire des promotions…
Mais l’un n’empêche pas l’autre, tant que cela reste bien en phase avec votre stratégie et vos objectifs.
Un conseil toutefois : ne devenez pas dépendant d’une plateforme ! Imaginez, comme Amazon a déjà menacé de le faire, que la marketplace décide du jour au lendemain d’augmenter fortement son taux de commission. Si Amazon génère chez vous 30% de ventes, vous pourriez ne plus être rentable et perdre 30% de votre business ! Donc surtout, diversifiez vos sources de revenus.
Créer sa place de marché : les enjeux
Comme vous l’avez compris, créer sa place de marché en venant du e-commerce pur, c’est changer de métier. Les objectifs ne sont pas les mêmes et il faut adapter son système pour transformer un modèle transactionnel en relationnel.
1er enjeu : la génération de trafic
La place de marché repose sur le fait que les acheteurs puissent trouver la meilleure offre pour le même produit. Donc pour qu’une marketplace soit rentable : il faut beaucoup d’acheteurs et beaucoup de vendeurs.
Faut-il essayer de trouver des vendeurs d’abord ? Mais si personne ne vient sur votre place de marché, cela ne va pas attirer beaucoup de site marchand. Et sans offre, pas de commission, pas de chiffre d’affaires.
Alors faut-il commencer par acquérir plein de trafic ? Pourquoi pas, mais les attirer avec quoi ? S’il n’y a pas ou peu de produits disponibles, cela ne va pas attirer grand monde. En plus acquérir du trafic en masse, cela demande beaucoup de budget marketing.
C’est le serpent qui se mord la queue !
En fait il faut une super stratégie, c’est assez compliqué de partir de zéro. Si vous avez déjà un site de vente en ligne, vous avez déjà des produits à proposer et vous pouvez élargir votre offre avec d’autres vendeurs et augmenter votre acquisition de trafic petit à petit.
Trafic versus trafic qualifié
Une notion très importante à comprendre est la différence entre trafic et trafic qualifié.
Quand vous faites du e-commerce transactionnel, vous ne cherchez pas à attirer tout le monde. Vous voulez faire venir sur votre site marchand uniquement les personnes intéressées par vos produits. C’est ce que l’on appelle du trafic qualifié. Par exemple, vous vendez des croquettes pour chat : attirer des personnes qui n’ont pas de chat ou qui ont un chien ou un hamster ne vous intéressent pas. Vous voulez maximiser votre ROI : ne dépensez que si vous avez un retour possible.
Alors que dans le cas d’une place de marché, vous voulez au contraire faire venir le plus de gens possibles, de tout horizon (du trafic) : ceux qui ont des chats, des chiens, des hamsters, des poissons etc. car vous aurez des vendeurs pour toutes ces catégories de produit. Donc il faut prévoir un budget marketing très conséquent.
De ce fait, votre budget webmarketing ne sera pas le même. Votre seuil de rentabilité non plus. Il sera même très probable de ne pas être rentable rapidement pour une place de marché, le temps de recruter suffisamment de base client et de vendeurs. Par exemple, Amazon a mis 20 ans avant d’être rentable.
2e enjeu : recruter, gérer et animer des e-commerçants
Votre métier ne sera plus seulement de vendre des produits mais surtout de recruter et gérer des e-commerçants. Convaincre de les faire adhérer à votre plateforme, à proposer une offre large, à faire des prix plus intéressants qu’ailleurs en leur garantissant plus de volumes malgré un coût marketing plus élevé – puisqu’il faut payer la place de marché pour y être présent. Les aider à adapter leur offre, leur logistique pour satisfaire vos clients. Fidéliser les meilleurs d’entre eux. Et parfois, bannir ceux qui ne respectent pas vos standards.
Certaines places de marché ont un positionnement particulier au recrutement : par exemple La Redoute est très sélective sur ses vendeurs. Son objectif n’est pas la quantité, c’est pourquoi il y a une forte sélection à l’entrée.
3e enjeu : un écosystème différent
Il vous faudra un backoffice adapté :
– pour que vous puissiez intégrer des vendeurs en ligne, les gérer, les facturer en fonction de ventes passées…
– pour les vendeurs : qu’ils puissent facilement proposer leur offre par exemple grâce à des flux, faire des promos…
Cette partie technique est non négligeable et peut devenir un budget à part entière. Car si les choses sont compliquées ou ne fonctionnent pas bien, vous n’arriverez pas à fidéliser vos vendeurs.
Dans tous les cas, si vous passez d’un site e-commerce transactionnel à un relationnel en créant votre place de marché, n’oubliez pas de prévenir vos clients ! Sinon celui-ci risque d’être perdu, ne sachant pas s’il achète chez vous ou quelqu’un d’autre. Et un client confus, c’est un client qui n’achète pas.
Alors, créer sa place de marché, oui ou non ?
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas se lancer ! Vous avez maintenant une vision plus précise (et peut être moins idéale) des enjeux de la création d’une place de marché – ou de la transformation d’un site e-commerce en marketplace.
Comme toujours, il est nécessaire de construire un business plan et une stratégie solides et d’anticiper tout ce qui peut l’être (gestion, trafic, technique…). Ensuite des partenaires peuvent vous aider à trouver des solutions.
À propos de l’auteur